Texte écrit en atelier : Tout çà pour rien


Jean-Jean est parti à la pêche, il a tout, tout sauf le flotteur et les appâts. Il entre dans la boutique d’animaux en tout genre subjugué par cet éventail de plumes multicolores, magnifiques qui feraient merveille au bout de sa ligne. Délicatement il en prend une bleu roi, la tourne entre ses doigts, l’admire et légèrement tire sur une barbe afin d’en éprouver la résistance. Quand tout à coup il entend hurler : ’’ aïe, mais ça va pas non ?’’. Il lève la tête, interloqué, et voit un superbe ara perché qui s’ébroue mécontent vociférant des ’’ çavapasnon… çavapasnon ’’à qui mieux mieux. Jean-jean comprend rapidement qu’avec cet oiseau, il n’aurait pas le dernier mot et vivement repose l’objet du conflit. Avisant une petite plume jaune toute jolie, au moment d’avancer la main il sent sur ses épaules le regard acéré du canari. Il reste coi, le geste en suspend car de son oeil rond, l’oiseau n’a pas l’air bon, furibond, bondit sur le bandit, se saisit de sa plume et avec… frout… est reparti.
Jean-Jean pense que sa partie de pêche est bien mal engagée et opte pour un bouchon tout rond et en liège qui ne blessera personne.
Bon, passons aux asticots, des petits ou des gros ? Les petits plus sveltes plus agiles aussi attirent par leur frétillement les poissons les moins gourmands mais les gros bien joufflus, s’ils remuent moins vite impressionnent les plus importants. Quel dilemme juste pour un bon moment ! Le temps passe et de guerre lasse il prend les deux… Il avisera quand il y sera.
Sur la berge, il s’installe, étale son matériel lance sa ligne à l’eau et tranquillement s’endort sur son pliant. Est ce le froid qui le réveille ? Pas que !. Là-bas dans l’eau, sa ligne bouge frénétiquement, le flotteur fait des bonds, les cercles autour s’élargissent en formant d’autres concentriques… Quelle agitation ! Jean-Jean actionne son moulinet, content, pensant avoir une bonne prise quand il entend le poisson en grande conversation, menaçant l’asticot qui fait son boulot en dansant au bout de l’hameçon : ’’que viens tu faire ici toi qui n’est pas d’ici ? Si tu ne pars pas d’ici, je te mange !’’
> ’’Bouffe le ! bouffe le ! Crie Jean-Jean encourageant..’’. Et c’est là qu’en se penchant il entend rétorquer le courageux vermisseau tentant de défendre sa peau
’’Et si tu me manges, celui qui m’a mis ici te mangera aussi ’’

Tout redevient calme, les ronds s’étendent jusqu’aux berges, puis s’estompent. Le pêcheur a rangé ses affaires et repart tristement grosjean comme devant.

Sylvie Dambrine

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